• Le traité de Maastricht 30 ans après - Le bilan - 1ère partie

    Le traité de Maastricht 30 ans après : le bilan - 1ère partie

    Le trentième anniversaire du traité de Maastricht n’a fait l’objet d’aucune célébration ni même d’évocation… On pourrait s’en étonner si on se rappelle les slogans enthousiastes, chargés en promesses idylliques, qui avaient prévalu pendant la campagne référendaire de 1992 au détriment des partisans du « non » systématiquement marginalisés voire stigmatisés par l’ensemble des médias, des responsables politiques et de certaines « vedettes » du monde du spectacle…  Malgré ce déchaînement médiatico-politique, le « oui » l’avait emporté de justesse par 51,04% des suffrages. C’était le 20 septembre 1992.

    Ce texte fondamental comportait des dispositions qui ont profondément façonné le continent européen en général, et la France en particulier. En trente ans, le traité a eu le temps de produire ses effets et nous avons le recul nécessaire pour en évaluer les conséquences concrètes à l’aune des promesses qui avaient été faites, et en dresser le bilan.

    Le traité de Maastricht, camisole de force des nations

    1 ) L’euro – instauré par ce même traité, existe depuis le 1er janvier 1999 sous forme électronique et depuis le 1er janvier 2002, sous forme fiduciaire, soit depuis 23 ans et 20 ans.

    2) Sans débat et sans explication aux populations, le traité de Maastricht a donné naissance de façon implicite à une Europe fédérale. Il a donné le traité sur l’Union européenne (TUE) qui a modifié en profondeur le traité de Rome (1957) qui a muté en un « traité instituant la Communauté européenne », lequel a de nouveau muté en 2008 (après le referendum de 2005 où le « non » l’avait emporté)en «traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), nom sous lequel nous le connaissons actuellement. 

    Le traité de Maastricht définit trois piliers sur lesquels repose l’Union européenne :

    1)      Les Communautés européennes, celle du charbon et de l’acier (CECA) instaurée en 1951 par le traité de Paris ; la Communauté économique européenne (CEE) instaurée en 1957 par le traité de Rome ; la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom, instaurée en même temps que la CEE).

    Le traité de Maastricht apporte plusieurs modifications substantielles aux « Communautés européennes » dont il fixe les principes ad vitam æternam . Les traités ne pouvant être modifiés qu’à l’unanimité des Etats membres (27 aujourd’hui) qui ont des intérêts divergents dans tous les domaines. Il s’est avéré impossible de les mettre tous d’accord en même temps pour une réorientation profonde de la « construction européenne »…

    Concrètement, cela signifie que les politiques en matière agricole, commerciale ou encore les contraintes budgétaires inscrites dans les traités s'appliquent de façon immuable, quels que soient les dirigeants de l'Union européenne et, a fortiori, quels que soient les dirigeants des Etats membres. 

     

    Exemple : l'article 32 du TFUE fixe pour toujours,  à la Commission européenne, l'objectif de « promouvoir les échanges commerciaux entre les Etats membres et les pays tiers ». De fait, il n'existait avant le tournant des années 1990 que des accords commerciaux avec des pays proches des Etats de la CEE, devant préfigurer leur possible adhésion à l'ensemble européen : l'Association européenne de libre-échange fondée en 1960 (ses membres qui n'ont pas rejoint l'Union européenne sont la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein) ou l'accord d'association de 1958 avec Monaco.

     

    Après le traité de Maastricht, les traités de libre-échange ont été multipliés avec quasiment toutes les zones du monde (CETA avec le Canada ; le Mercosur : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela ; le TAFTA avec les USA ; et l’accord avec la Nouvelle-Zélande), dans des conditions où les intérêts commerciaux et industriels français ne sont globalement pas pris en compte…

    Le traité de Maastricht élargit le principe de la libre circulation des capitaux aux transferts financiers en Etats membres et Etats tiers, alors que l’Acte unique de 1986 n’imposait cette libre circulation qu’entre Etats membres…  

    Le traité de Maastricht bannit également toute restriction entre Etats membres et Etats tiers s’agissant des paiements, donc en particulier, des rapatriements de dividendes. 

    Ces règles sont contenues dans l’article 63 du TFUE et sont à l’origine de nos problèmes :

    - Les délocalisations massives survenues à partir des années 1990 (auparavant, les sorties de capitaux vers les Etats non-membres nécessitaient le cas échéant l’autorisation du ministère des Finances).

    - Empêchent les Etats de lutter contre certaines fraudes monétaires.

    - Interdisent aux Etats d’empêcher le rachat de certaines entreprises nationales par des intérêts étrangers…

    C’est ainsi que le 14 septembre 2005, Neelie Kroes, commissaire européenne à la Concurrence au sein de la Commission européenne Barroso 1, avait fait plier Jacques Chirac et le gouvernement français, pourtant théoriquement souverain, en imposant la cession du sidérurgiste Arcelor à des intérêts anglo-indiens. Elle l'avait justifié en ces termes: 

    « Confrontés à l'insécurité et à une perte de confiance collective, certains politiques sont prompts à rechercher des politiques régressives de repli sur soi. Ils veulent protéger des champions et des marques nationaux - ou même européens - des assauts du marché mondial pour relancer les canards boiteux de l'industrie. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être complaisants face à la résurgence actuelle de la rhétorique protectionniste. Le risque est à la fois réel et urgent

     

    Notez au passage que Neelie Kroes est typique de ces personnalités sulfureuses promues par une oligarchie pour occuper les postes de pouvoir de l'Union européenne maastrichtienne. Dépourvue de toute légitimité démocratique, elle a été propulsée dans ses fonctions grâce à ses liens avec des milieux d'affaires - touchant des jetons de présence dans un nombre invraisemblable de conseils d'administration (une trentaine !), notamment américains, et même avec des milieux mafieux, étant proche, par l'intermédiaire d'un homme d'affaire local, de l'organisation d'un célèbre gangster hollandais, Willem Holleeder, spécialisé dans les extorsions de fonds, les enlèvements crapuleux et le blanchiment d'argent sale… 

     

    2)      Le deuxième pilier du traité est la « Politique étrangère et de sécurité commune » (PESC). Le traité de Maastricht introduit une subordination de toute défense européenne à l’OTAN par l’article 42 du TUE :

     

    « La politique de l’Union au sens de la présente section n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. »

    Cet article 42 postule une seule et même politique de défense, la mise en place d'une armée européenne ainsi que le respect des obligations imposées par l'appartenance à l'Otan des Etats qui font partie de cette dernière (en pratique la quasi-totalité des Etats de l'Union européenne). C'est pour cette raison d'ailleurs que les Etats-Unis ont insisté pour faire entrer les pays de l'ancien bloc soviétique d'abord dans l'Otan puis dans l'Union européenne. 

    En pratique, lorsque la France s'est opposée en 2003 à la guerre en Irak, elle l'a fait contre la volonté de la plupart des autres Etats membres de l'Union européenne et de l'Otan, et donc en contradiction avec la PESC qui impose, en définitive, un alignement complet sur les volontés de Washington.

    C'est bien ce à quoi l'on assiste de façon flagrante dans l'actuel conflit ukrainien. Les classes dirigeantes des pays européens ont tellement intégré l'idée qu'elles doivent obéir aux Etats-Unis qu'elles n'osent même pas formuler l‘hypothèse, pourtant avancée avec insistance pour de nombreuses raisons logiques et techniques, que Washington ait pu commanditer ou réaliser directement le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2…

    3) Enfin, le troisième pilier du traité de Maastricht est la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Ce troisième pilier a donné lieu notamment au « mandat d'arrêt européen », entré en vigueur le 1" janvier 2004, qui permet à la justice d'un Etat membre de demander une arrestation dans un autre Etat membre. A la différence d'une extradition, décidée par un gouvernement, donc une autorité politique, le mandat d'arrêt européen relève strictement d'une procédure judiciaire, automatique pour peu que les conditions en soient remplies, et à l'extérieur de toute considération politique. 

    Mis en œuvre au prétexte de lutter contre le terrorisme, le mandat d'arrêt européen a, par exemple, empêché Julian Assange de trouver refuge dans un pays de l'Union européenne. Faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen émis par la Suède, il était en effet promis à l'arrestation s'il avait essayé de fuir dans un pays de l'Union européenne. 

    A côté des « trois piliers », le traité de Maastricht institue également une «citoyenneté européenne ».Les citoyens européens ont ainsi le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des autres Etats membres, mais aussi de voter et de se porter candidat aux élections municipales et européennes. Le concept de « citoyenneté européenne» opère un découplage entre citoyenneté et nationalité, au détriment de cette dernière que la « construction européenne» s'emploie en permanence à  « dépasser», folkloriser, dénigrer et, finalement, vider de son sens.

    Le traité de Maastricht 30 ans après : le bilan - 1ère partie

     

    Le rôle des Etats-Unis dans la mise en place de l’Euro 

    L'élément central du traité de Maastricht, sans doute le plus connu, est cependant la mise en place de «l'Union économique et monétaire » (UEM) ainsi que de ses règles de convergence budgétaire et d'harmonisation entre Etats membres, destinées à assurer la pérennité de la monnaie commune européenne. 

    Les célèbres « critères de Maastricht », au nombre de cinq, forment sur le papier un splendide jardin à la française dans les allées duquel des économies très disparates sont priées de s'aligner : 

    -       -    Avoir des prix stables, le taux d'inflation annuel d'un Etat membre donné ne devant pas dépasser de plus de 1,5 point la moyenne de ceux des trois Etats membres présentant les taux d'inflation annuels les plus bas ; 

    -      -   Avoir des taux d'intérêt à long terme qui ne sont pas supérieurs de plus de 2 points de pourcentage à ceux pratiqués dans les trois pays ayant l'inflation la plus faible (le «spread ») ;  

    -      -   Présenter une dette publique (Etat et administrations publiques, y compris organismes de sécurité sociale) inférieure à 60% du PIB ; 

    -      -   Présenter un déficit public (même périmètre) n'excédant pas 3% du PIB ; 

    -        -  Avoir appartenu au « système monétaire européen » de manière continue les deux années précédant leur entrée dans l'UEM. 

    Les origines réelles de l'euro sont en revanche moins connues. 

    L'idée de la monnaie commune européenne ne nait pas, en effet, avec le traité de Maastricht, ni même dans des cerveaux       "européens".

    La déclassification des archives du département d'Etat américain à l'été 2000 pour les années 1950 et 1960 a ainsi éclairé d'un jour nouveau la genèse de la monnaie commune européenne.

    Le journaliste britannique Ambrose Evans-Pritchard du Daily Telegraph a expliqué-dans un article retentissant du 19 septembre 2000, tiré de ces archives et intitulé « Des fédéralistes européens financés par des chefs de l'espionnage américain» - comment les dirigeants de la Commission européenne dans les années 1960 étalent parrainés par le département d'Etat américain et les fédéralistes européens financés par des organismes proches de la CIA.

    Il écrivait en particulier :

    "Une note émanant de la Direction Europe [du département d'Etat], datée du 11 juin 1965, conseille au vice-président de la Communauté économique européenne, Robert Marjolin, de poursuivre de façon subreptice l'objectif d'une union monétaire. Elle recommande d'empêcher tout débat jusqu'au moment où "l'adoption de telles propositions serait devenue pratiquement inévitable." 

    D’après cette note,  Il est notable que le Français Robert Marjolin confie à ses interlocuteurs américains son souhait de circonvenir la volonté des Etats et des peuples européens, en leur imposant de façon subreptice une union monétaire, qui n'est pas envisageable dans l'immédiat à l'époque compte tenu des « résistances. 

    Le vice-président de la CEE montrait alors son empressement à servir les desiderata des Etats-Unis, qui est la marque de fabrique des dirigeants européistes à travers les époques.

    L'intérêt de son propre pays de même que celui des cinq autres membres de ce qui est alors « l’Europe des Six » passe au second plan.

    Robert Marjolin était en outre le mieux placé pour savoir que Charles de Gaulle était alors en opposition frontale avec la Commission européenne, présidée par le juriste allemand Walter Hallstein, proche des autorités nazies de 1930 à 1944.

    Le fondateur de la France Libre allait d’ailleurs provoquer – moins de trois semaines après cette réunion à Washington – la célèbre « crise de la chaise vide » qui allait durer du 30 juin 1965 au 30 janvier 1966, jusqu’à l’éviction de Walter Hallstein de son poste de président de la Commission européenne…

     

    A suivre…

     

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Jean-L.
    Dimanche 15 Janvier 2023 à 00:28

    Enfin ! On commence à dire les choses telles qu'elles sont, alors qu'on nous les cache depuis 30 ans ! J'attends la suite avec impatience !!! Merci.

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