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Retraites - Le naufrage du Conseil Constitutionnel
Ce 14 avril 2023, le Conseil Constitutionnel a validé l’essentiel de la réforme des retraites et donné son feu vert pour reculer l’âge de départ légal de 62 à 64 ans.
Un évènement qui constitue une nouvelle étape déterminante de l’anéantissement de la démocratie française et de ses contrepouvoirs…
Les 9 « Sages » (un euphémisme) du Conseil sont censés être les garants de la Constitution de la Ve République, qui stipule, en son article 2, : « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Le Conseil constitutionnel est régi par plusieurs articles qui sont dans le titre 7 de la Constitution et le premier de ces articles, l'article 56 pose le fait que les 9 membres du Conseil constitutionnel sont nommés pour un mandat de 9 ans non renouvelable. Tous les trois ans, il y a trois membres qui s’en vont (ils ont fait leurs neuf ans) et trois nouveaux membres qui arrivent.
Ils sont nommés par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, sans qu’il n’y ait aucune contrainte de compétences en droit constitutionnel. On peut dire que les membres du Conseil sont nommés par le fait du Prince.
Qui sont les membres du Conseil constitutionnel ?
Il y a d'abord le président Laurent Fabius qui, comme tout le monde sait, a été un ancien élève de l'ENA, agrégé de lettres, membre du Conseil d'État, ancien Premier ministre de Mitterrand de 1984 à 1986, puis plusieurs fois ministres par la suite dans les gouvernements Jospin et Ayrault. Nommé au Conseil Constitutionnel en 2016 par François Hollande, il a aujourd’hui 76 ans.
Michel Pinault, qui a également 76 ans, ancien conseiller d'État et qui a été nommé par le président du Sénat Gérard Larcher, en 2016, alors qu’il était conseiller d'État. Un membre du Conseil d'État, il a certes des compétences dans le domaine du droit, mais il n'est pas spécialiste du tout, de la Constitution, ça n’a jamais été dans ses compétences.
Corinne Luquiens, et qui est une ancienne secrétaire générale de l'Assemblée nationale, le plus haut poste de fonctionnaire de de l'Assemblée nationale. Elle a travaillé notamment de la commission des lois. Elle connaît l'élaboration des textes de loi, mais n'est pas spécialiste du droit constitutionnel. Elle a été nommée par le président de l'Assemblée nationale en 2016, le socialiste Claude Bartolone. Elle a 70 ans.
Jacques Mézard, ancien avocat, qui a été maire et a eu un parcours politique : Il a été ministre de l'Agriculture du gouvernement d'Édouard Philippe, donc avec Emmanuel Macron, il a été nommé au Conseil par Emmanuel Macron en 2019. Il n’a aucune pratique du droit constitutionnel. Il a aujourd'hui 75 ans.
François Pillet, ancien avocat (mais aucune pratique du droit constitutionnel), ancien sénateur, ancien membre de la commission des lois du Sénat, qui a été nommé par Gérard Larcher en 2019 et qui a aujourd'hui 72 ans.
Alain Juppé, que tout le monde connaît, qui est un ancien inspecteur des finances, donc venant de Bercy et a été ministre des Affaires étrangères et Premier ministre de Jacques Chirac. Il a été nommé au Conseil Constitutionnel par le président macroniste de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand en 2019. Alain Juppé a aujourd'hui 77 ans.
Jacqueline Gourault, à l’origine, une enseignante qui a fait de la politique sous l'aile de François Bayrou. Plusieurs mandats locaux avant d’être élue sénatrice, elle a été ministre d'Édouard Philippe dans le gouvernement Macron. Elle a été nommée au Conseil Constitutionnel par Macron en 2022. Madame gourou a aujourd'hui 72 ans.
François Seners, ancien conseiller d'État, il a été, auparavant, directeur de cabinet du président du Sénat, Gérard Larcher qui l’a nommé, en 2022 au Conseil Constitutionnel. Il a 65 ans.
Véronique Malbec, est une ancienne magistrate. Elle a été procureur notamment dans les tribunaux, et directrice du cabinet de l’actuel ministre de la Justice. Sa nomination a été très contestée : début 2022, le président de l’Assemblée nationale de l’époque, le macroniste Richard Ferrand, la propose pour intégrer la rue de Montpensier, beaucoup y voient un renvoi d’ascenseur. C’est que, quelques années plus tôt, en 2017, elle est la responsable hiérarchique du procureur qui a classé sans suite l’affaire des Mutuelles de Bretagne dans laquelle Richard Ferrand était mis en cause. Elle a actuelle a 64 ans.
Il y a quand même des caractéristiques tout à fait extraordinaires chez ces neuf conseillers :
1) Le plus jeune, a plus de 64 ans, c'est-à-dire que pour juger de la réforme sur les retraites, il n'y a pas un seul des 9 membres qui a moins de 64 ans. Tous ont bénéficié de leurs retraites aux conditions d’avant la précédente réforme qui prévoyait un seuil de 40 ans de cotisations. Alain Juppé a fait valoir ses droits à la retraite à l’âge de 57 ans et demi. Tandis que Laurent Fabius a pris sa retraite du Conseil d’Etat en 2001, à l’âge de 55 ans… En résumé, tous sont retraités mais pas aux conditions qui seront les vôtres dans un proche avenir…
2) Aucune de ces 9 personnes n'a de compétences spécifiques en droit Constitutionnel. La plus ignorante en la matière, étant Madame Jacqueline Gourault. Les conseillers qui viennent du Conseil d'État ont quelques connaissances en droit, mais aucune en droit Constitutionnel.
Les sondages montrent qu'il y a 75 ou 80% des Français qui sont hostiles à la réforme des retraites et dans ce Conseil constitutionnel, il y a des personnes qui n'ont pas de compétences particulières en matière de droit constitutionnel, qui ne sont pas des juristes, qui se sont prononcés sur un dossier complexe sans être capables de l’appréhender sur le fond, ne donnant qu’un avis politique. En effet, aucun des neuf conseillers ne s’est déclaré hostile à la réforme. Ils sont tous à la botte du pouvoir macroniste. D’une moyenne d’âge de 72 ans, les Conseillers ne sont pas représentatifs de la population française, alors même qu’ils viennent d’avaliser, sans état d’âme, une réforme qui ne les concernera pas…
3) Une situation qui nourrit le soupçon sur des « magistrats » qui ne sont pas là pour faire régner le droit, l’esprit des institutions, c’est-à-dire de faire prévaloir l’intérêt supérieur de la Nation et, un contre-pouvoir aux institutions…
De l'autre côté, la critique était solide et fondée sur de nombreuses jurisprudences du Conseil concernant les exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires. Ce principe, il l'a lui-même brièvement rappelé au début de la décision, mais comme par hasard, quand il s'est agi de justifier sa décision, plus de mentions de ce principe, il avait disparu. Principe ? quel principe ? on n'a pas de principe. A un moment crucial, le Conseil constitutionnel a bien fait un choix, celui ne pas censurer et donc ne pas justifier. C'est un choix politique, l'argumentation et la justification étant la seule légitimité du juge.
Mais comment peut-on être le contre-pouvoir de Macron lorsqu'on a été nommé par Emmanuel Macron ?
Ou lorsqu'on a été nommé par Richard Ferrand, sous l'influence d'Édouard Philippe ? Ou lorsqu'on a été nommé par le Gérard Larcher, le président du Sénat ?
Les décisions de ces pseudo-magistrats sont de facto, les symptômes d’une institution qui dysfonctionne complètement, qui ne joue plus son rôle…
Le résultat ? vous le connaissez : le Conseil constitutionnel valide l'essentiel des dispositions de la loi sur la réforme des retraites. Il fallait être un peu naïf pour penser qu’il pût en être autrement.
Il aurait pu en être autrement si nous avions eu des juges jugeant en droit, il y avait des arguments puissants pour invalider toute la loi :
1) Ce projet de loi avait été intégré dans un projet de loi de finances rectificative et non pas un projet de loi spécial. Or, le projet de loi de finances rectificative est fait pour modifier la loi de finances d'origine qui fixe le budget de l'État pour une année.
Au cours de ce que l'on appelle l'exécution budgétaire, c'est-à-dire dans le courant de l’année, on s'aperçoit qu'il y a des recettes qui sont moindres que prévues dans certains cas, supérieures à ce qui est prévu dans d'autres cas. Et qu’il y a des dépenses moindres, dans certains cas, supérieures dans d'autres cas… L'art de gouverner étant ce qu'il est, il y a des dépenses nouvelles qu'il faut lancer. Il y a aussi des programmes que l’on annule. En conséquence de quoi, il faut des projets de loi de finances rectificative pour faire coller les autorisations parlementaires à l'exécution budgétaire.
Or, cette réforme des retraites n'a rien à voir avec un projet de loi de finances rectificative (comme l’index senior par exemple). De manière générale, la réforme des retraites, c'est une loi d'une importance sociale considérable pour laquelle toute la France, s'est enflammée. Tous les Français, même les plus humbles, savent très exactement ce que ça signifie de prendre sa retraite à 62 ans, ou de la prendre à 64 ans. Inclure en catimini, un projet de réforme des retraites dans un projet de loi de finances rectificative, dans un Etat de droit normal, avec des membres d’un Conseil Constitutionnel faisant respecter l’esprit des institutions, cela aurait dû entraîner, de facto, une censure intégrale de ce projet de réforme…
2) Pourquoi est-ce que le gouvernement a inclus ce projet de loi dans un projet de loi de finances rectificative ? C'est pour bénéficier d'une disposition qui a été récemment adoptée en loi organique, concernant le recours au fameux article 49.3 qui est un article, comme vous le savez, qui considère qu'une loi est adoptée, à moins qu’il y ait une motion de censure déposée dans les 24 heures, qui fasse ensuite, éventuellement, tomber le gouvernement
Quelle était la philosophie d’origine de l’usage de l’article 49.3 ? Il s'agissait de faire passer, contre l'avis des députés, une opinion voulue majoritairement par les Français. C'était l'esprit de De Gaulle. Cette disposition permet d'adopter, sans vote, le texte en question, à la condition qu'une motion de censure ne soit pas votée ensuite par la majorité des députés.
Aujourd'hui, il y a un inversion voire une perversion des valeurs : Il s'agit maintenant d'imposer aux députés et sénateurs de voter une loi contre la majorité des Français. C'est un article très décrié, extrêmement controversé donc, il y a une loi organique qui prévoit de n’avoir recours, durant une session parlementaire, qu'une seule fois à cet article 49. 3, sur une seule loi. Pour contourner cette difficulté, le gouvernement avait prévu de ne pas en faire une loi séparée mais une loi à l'intérieur du projet de loi de finances rectificative. Il est prévu, en effet, que l'article 49.3 puisse être utilisé sans limite pour cette seule catégorie de lois que sont les lois de finances rectificatives…
Le Conseil constitutionnel disposait dès lors d’un argument de poids, le détournement de l’esprit de la loi qui se traduit par un détournement des institutions, par un usage abusif de l’article 49.3.
On peut comprendre que l'article 49.3 soit utilisé plusieurs fois pour des lois finances rectificatives. Il y a toujours des petits problèmes budgétaires ici où là. Mais s’agissant du projet de réforme des retraites, nous ne sommes plus dans le registre budgétaire. Il s'agit d'un choix de société qui ne peut pas être adopté par un usage abusif de l’article 49.3.
3) D'autres arguments auraient pu être évoqués. Par exemple, le fait de cet article 7 qui fait le plus grief concernant le report de l'âge limite de la retraite de 62 à 64 ans : il était tout à fait possible de faire valoir que cet article n'a jamais été voté puisque le gouvernement a prononcé la procédure d'urgence, La France Insoumise ayant multiplié les amendements qui ont retardé volontairement les débats à l'Assemblée nationale. Par conséquent, l'article 7, au cœur du projet du gouvernement, et qui inscrit le report décrié de l'âge légal de départ à 64 ans, n'a pas pu être débattu, le projet de loi était déjà transféré au Sénat, de telle sorte qu’une loi d'une importance sociale considérable a été adoptée par une mesure l’incluant dans les projets de loi de finances rectificatives. Le point essentiel de la réforme, le passage de 62 à 64 ans n'a pas fait l'objet de débats.
Le Conseil constitutionnel aurait été dans son rôle de dire que c'était impossible d'adopter une loi d'une telle nature sans qu'il y ait eu, a minima, un débat sur le sujet.
Nous avons là, l’illustration d’une institution qui a évolué en un gouvernement des juges, alors que, dans son fonctionnement normal, elle devrait être un contre-pouvoir. Les juges étant nommés par l'exécutif, par le législatif ou, par l'oligarchie qui a mis la main sur le pays. Concrètement, ces juges ne sont pas un contre-pouvoir, ils représentent un pouvoir supplémentaire contre le peuple.
Comparons, de ce point de vue, avec ce qui se passe outre Rhin en Allemagne. Ils ont un « tribunal constitutionnel ». C'est le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, une ville de l'Ouest de l'Allemagne. Les 16 membres de la Cour constitutionnelle fédérale sont élus, non pas nommés, pour moitié par le Bundestag et pour moitié par le Bundesrat afin d'assurer l'équilibre aux sénats, pour un mandat de 12 ans non renouvelable. Ces personnes doivent avoir des compétences tout à fait particulières en matière de droit constitutionnel. Hors de question d'y nommer un proche du chancelier ou d'un ministre. Ce sont, d'abord et avant tout, des gens qui sont sélectionnés sur leurs compétences.
Le résultat est très impressionnant puisque lorsqu'il y a eu les débats sur le projet de traité constitutionnel européen, en 2005, là où les Français (comme les Hollandais) ont dit non… Il faut comparer l’avis demandé au Conseil Constitutionnel français : ça tenait en 2 ou 3 pages qui concluaient en disant qu’il faudrait « simplement modifier la Constitution française », sous-entendu : « il faudra l’adopter ».
En revanche, en Allemagne, le dossier transmis à la Cour Constitutionnelle fédérale était énorme et contenait plus de 2 300 articles, à l'allemande, extrêmement rigoureux et avec des décisions à l'intérieur qui faisaient froid dans le dos des européistes puisqu’il y a un article qui précisait quand même qu’il fallait absolument que la construction européenne devienne plus démocratique, sinon il n’y aurait pas d'autre choix pour l'Allemagne que de sortir de l'Union européenne.
C’est la différence incroyable qu'il y a en nos deux pays, la France et l’Allemagne, et les leçons que nous devons en tirer.
En résumé, il y a des conclusions à court terme et à moyen terme.
A court terme. Ce qui se passe en tout cas est très grave parce que ça prouve aux Français que toutes nos institutions sont vérolées, qu'il n'y a plus un seul contre-pouvoir opérationnel par rapport à un homme seul qui règne à l'Élysée comme un monarque, qui de notoriété publique maintenant, « est décomplexée comme un dingue » ?
Dans Courrier International, on pouvait lire : « “Un président vertical” (Le Soir), au ton “un tantinet professoral” (La Libre Belgique), “le roi est nu” (Le Temps), “un champ de ruines” (Frankfurter Allgemeine Zeitung)… Rarement la presse internationale aura été si unanime pour dénoncer l’exercice du pouvoir d’Emmanuel Macron après la promulgation (dans la nuit du 14 avril) de la réforme des retraites et son allocution trois jours plus tard, qui n’a convaincu personne.
Dans la presse allemande, le magazine allemand Der Spiegel titrait : « Le président Macron a-t-il perdu la raison ? » “Le premier problème, écrit l’hebdomadaire allemand, c’est que les citoyens ne croient plus le président, il ne parvient pas à convaincre. Le second, c’est qu’Emmanuel Macron ne voit pas la crise démocratique.” Tout est dit.
On a donc à la tête de l'État quelqu'un qui a fait, de cette affaire de réforme des retraites, une espèce de combat motivé par un orgueil démesuré. Certains de ses proches ont dit qu’en fait, « ils se moquaient bien du contenu de cette réforme. Il voulait prouver qu’il pouvait faire plier le peuple français »… Serait-ce là son seul objectif ? Pas tout à fait, même s’il prend grand plaisir à faire souffrir les Français, à leur imposer coûte que coûte sa volonté contre toutes les traditions démocratiques françaises.
Dans toute la tradition républicaine française, le président de la République sait qu'il n'est pas roi : il n’a pas un pouvoir de droit divin, il n'est que le représentant des Français et il doit, à tout instant, veiller à ce que la politique qu'il mène soit soutenue par la majorité de la population.
De Gaulle avait démissionné parce qu'il n'avait eu que 47% des voix au référendum de 1969 ; Mitterrand en 1984, avait renoncé à la réforme de l'éducation nationale parce qu'avec 2 millions de personnes dans les rues, il savait que le président n’est que le représentant des Français et que la politique qu’il mène doit être soutenue par la majorité de la population.
Macron se fout bien des valeurs constitutionnelles garantes de la vraie démocratie. Macron interprète la constitution d'une façon extraordinairement inversée et perverse. Il considère qu’il est élu une fois tous les 5 ans par un artifice ahurissant de mise en scène médiatique des élections qui pare un seul candidat choisi par les médias de toutes les « vertus », en cachant les autres et en dénigrant ceux qui ne plaisent pas à l’oligarchie. On en arrive ainsi à ce résultat : une personne qui, une fois élue tous les 5 ans, a mis sous sa botte tous les contre-pouvoirs.
Que va-t-il se passer maintenant ? Il semble bien que le Gouvernement joue la carte du pourrissement, joue sur le fait que les gens vont se lasser de faire grève et renoncer…
Mais il n’est pas certain que cela se passe ainsi. Il est à craindre que la tension ne monte encore d'un cran, parce que là, en fait, les Français sont dans une souricière. C'est-à-dire qu'on leur demande d'accepter l'inacceptable. Encore une fois, rappelons que passer de 62 à 64 ans, l'âge de départ à la retraite, ça veut dire qu'il y aura des cotisants pauvres qui n'auront jamais de retraite parce qu'ils seront morts à 63 ans et demi. Et c'est ça l'objectif. Il s'agit de financer les retraites des plus riches des Français par des pauvres par centaines de milliers qui ne pourront pas jouir dignement de leur retraite : c'est un scandale absolu.
Il est donc à craindre qu'il y ait des troubles de plus en plus manifestes : que fait une population, que fait un peuple lorsqu’Il n'a plus d'échappatoire institutionnelle ?
Il reste deux hypothèses :
1) La violence. Une violence devenue immaitrisable avec destruction des institutions. Et pourquoi pas une révolution générale ?
2) Un effondrement de la société sur elle-même. Un renfermement sur soi-même des Français qui ne pensent plus qu'à une chose, ne plus travailler, fuir à l'étranger. Parce qu'un peuple qui n'a plus la possibilité de diriger son propre pays, soit il verse dans la violence, soit il déprime, soit il s'en va. L’effondrement de la société française sur elle-même est en marche ; le nombre d’expatriation ne cesse d’augmenter…
Pour ceux, nombreux, qui ne pourront pas s’enfuir, il s’agirait d'envisager de contractualiser avec les prochains candidats à la présidentielle et aux législatives en leur faisant signer un engagement à faire des réformes sur des questions primordiales.
Celle du Conseil Constitutionnel relève de l'évidence : le modèle allemand est à dupliquer. Il s’agirait d’avoir des membres élus pour un mandat de 12 ans (non renouvelable), par les deux assemblées (Assemblée nationale et Sénat), à la majorité simple, ce qui forcerait les groupes parlementaires à s’entendre, de telle sorte que l'on ait une meilleure répartition des opinions politiques. Evidemment, les membres du Conseil constitutionnel devraient être choisis parmi des spécialistes du droit constitutionnel qui n'auraient aucune appartenance politique connue, c'est-à-dire, qui interdirait de nommer au Conseil des anciens ministres, des anciens parlementaires, des anciens maires, des gens encartés dans tel ou tel parti...
Fixer ensuite un objectif clair et incontournable aux membres du Conseil Constitutionnel : faire respecter la loi et l’esprit des institutions en respectant la Constitution, dans le but d’éviter le naufrage du Conseil, aujourd'hui totalement consommé après cette décision ubuesque du 14 avril 2023…
En validant la quasi-totalité de la loi sur les retraites, le Conseil vient de manquer une occasion historique de se redresser et de redonner foi aux Français dans les institutions françaises. Plus précisément, le Conseil constitutionnel a avalisé tout le projet de loi, il n’a retoqué que des dispositions marginales, concernant notamment l'indice senior, qui n'emporte aucune conséquence financière. Bien sûr, cela avait été manigancé à l'origine, avec l'exécutif, très probablement en mettant des petits trucs ici ou là pour que, globalement, le Conseil Constitutionnel puisse offrir le spectacle de refuser tel ou tel point de détail.
Mais l'indice senior en fait, tout le monde s'en fout. La seule chose qui compte dans cette histoire c’est l'âge de départ à la retraite qui est validé pour aller jusqu'à 64 ans.
Majoritairement, les Français sont contre un âge de départ à la retraite à 64 ans pour tous.
La seule chose qui devrait compter, c'est le nombre d’années de cotisations, c'est-à-dire 42 ans de cotisations, de telle sorte que si on commence à travailler à 16 ans, 16 ans + 42 = 58 ans. Les salariés commençant à cotiser à 16 ans devraient pouvoir partir à la retraite à taux plein à 58 ans.
En revanche, quelqu'un qui a commencé sa vie professionnelle à 27 ou 28 ans, après de longues études, 28 + 42 = 70 ans. Ces personnes devraient partir à la retraite à 70 ans, à taux plein.
Ce mode de calcul serait logique, et surtout conforme à la justice sociale dans la mesure où tout le monde cotiserait sur une durée identique.
Tandis que le système actuel, qui mélange allègrement, la durée minimale de cotisation de 42 ans plus un âge de départ identique, pénalise de façon dramatique les catégories les plus modestes de la population, et favorise de manière scandaleuse les catégories les plus aisées de la population.
Pour en revenir aux décisions du Conseil Constitutionnel de ce 14 avril, non seulement les juges ont validé cette réforme, mais en plus de ça, ils ont également rejeté le référendum d’initiative partagée. C'est de la provocation compte tenu de l'état d'esprit de la population, et c'est un véritable brasier que le Conseil constitutionnel vient d'enflammer à nouveau.
Enfin, on a appris que Emmanuel Macron a décidé de jeter de l’huile sur le feu, puisque le lendemain de la validation de l'essentiel du texte par le Conseil constitutionnel, il a promulgué officiellement la loi sur la réforme des retraites, le samedi 16 avril, au «Journal officiel». Une manière brutale d’écarter l’ultime chance de négociation.
Alors que la France est au bord de l'explosion sociale, il a choisi le passage en force. C’est une décision d'une extrême gravité.
Les prochaines semaines vont être cruciales. Les macronistes sont en souffrance et les opposants à la réforme suivent Macron comme son ombre dans tous ses déplacements alors que le président ne rêve que d'une seule chose, tourner la page.
C'est probablement mal connaître les Français, un peuple qui honnit les monarques : gare à celui qui se croit déjà couronné.
Tags : Retraites, naufrage du Conseil Constitutionnel, Déni de démocratie, Perversion des institutions, anéantissement de la démocratie
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