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RASSEMBLEMENT VENDEEN

LE PIEGE UKRAINIEN

Le point de vue de J.M.D. Membre du corps diplomatique français.

LE PIEGE UKRAINIEN

Il y a quelques semaines, Mme Merkel a fait une déclaration assez terrible, qui pose question car elle n’a pas été reprise par la presse française ni par la télévision alors qu’elle est fondamentale.  Elle a dit : « Nous avons signé les accords de Minsk de manière à donner à l'Ukraine le temps de se renforcer militairement, pour pouvoir affronter la Russie ». Cela signifie, très cyniquement, que les accords de Minsk (dont la France etî l’Allemagne étaient les garants) n’étaient pas faits pour amener les gens à faire la paix. C'était pour préparer la guerre.

De son côté, dans un entretien au Kyiv Independent, François Hollande a revendiqué que « les accords de Minsk avaient amené la Russie sur le terrain diplomatique, laissant à l’armée de Kiev le temps de se renforcer ». Un aveu contredisant les déclarations pacifiques d’alors. Ces deux déclarations confirment qu'effectivement on a entraîné la Russie dans un piège.

Ainsi résumé, c’est aussi le sentiment de certains diplomates français qui pensent réellement qu’il y a « un piège de l’Ukraine », tendu à l’Europe et à la Russie dès la fin de la guerre froide. C'est un piège qui n'a pas été conçu de façon délibérée, mais qui s'est tendu de lui-même, puis s’est refermé petit à petit, en plusieurs étapes, entre 1991 et aujourd'hui, en février 2023.

Dans l’intervalle, entre 2014 et 2022, l’Ukraine a régulièrement bombardé les régions autonomes russophones de l’est (Donbass) faisant 14200 morts, estimation basse, dans cette région qu’elle se préparait à investir militairement lorsque la Russie a lancé son attaque.

Au Quai d'Orsay, à ce moment-là sur l'Ukraine et sa dénucléarisation, on a constaté un transfert progressif de logique. A partir d’une ambiguïté stratégique, on est arrivé à une confrontation qui n’a pas été vraiment structurée car elle s'est déroulée par défaut, sur trois décennies.  

Mais le plus inquiétant, dans cette affaire, c'est le manque de rationalité de l'ensemble des acteurs européens.  

Rappel des faits :

La guerre froide s’est terminée il y a 30 ans. La première décennie a été celle de la décomposition de la Russie, de « l'enjambement de la Russie ». C'est très curieux d’observer que, lorsque l’URSS disparaît, il y a au même moment , ce fameux traité 2+4 ou traité de Moscou (du 12/09/90) qui va être celui de la réunification allemande. Quelque chose d'essentiel pour l'Allemagne, essentiel aussi pour toute l'Europe et cette réunification allemande va être gagée par la non-progression des forces de l'OTAN vers l'Est.

Et pourtant, en 2023, on constate que les forces de l’OTAN ont progressé de 1000 km vers l’Est, et c'est énorme.

A l'époque, Roland Dumas, le ministre des Affaires étrangères français, l'a confirmé, comme d'autres diplomates présents, il était bien entendu qu'il y avait un  « glacis » comme on dit, autour de la frontière russe, où l'OTAN,  ne rentrait pas…  Ce qui a été confirmé d'ailleurs de façon très claire par le département d'État américain et les conversations de James Baker : tout cela était très clair.

Puis, nous avons constaté un glissement de l'ambiguïté stratégique vers la confrontation.  

Et là, on a plusieurs étapes : en 1999 - 2000 à apparaît Vladimir Poutine, qui sort de l’ombre,  poussé en avant par Boris Eltsine (devenu quelqu'un de peu présentable) et qui va le mettre en avant pour remettre de l'ordre.   Vladimir Poutine va tout de suite mettre de l'ordre à sa façon, très directe. Il va commencer par virer les oligarques qui s’étaient emparés du pouvoir économique et politique dans un contexte de dépeçage de l’Etat, de privatisation de l’économie et d’ouverture à la mondialisation… (Ça vous parle ?) L’ascension des oligarques russes avait été largement favorisée par la « thérapie de choc » appliquée sur la suggestion de conseillers américains et du Fonds monétaire international (FMI).

Trente ans après, le Monde diplomatique (Warde, 2022) tire ce sinistre bilan : « Le président Boris Eltsine, auréolé de sa gloire de tombeur du communisme, assurait que les privatisations produiraient « des millions de propriétaires plutôt qu’une poignée de millionnaires ». 

En réalité, c’est l’inverse qui se produisit : […] du temps de l’Union soviétique, la personne la plus riche l’était six fois plus que la plus pauvre ; en 2000, ce ratio était passé à 250 000 ».

La Russie n'est pas la seule concernée : dans d’autres anciennes républiques soviétiques comme l’Ukraine, les grandes entreprises d’État sont aussi passées aux mains d’oligarques devenus milliardaires.

C’est une décennie complexe sur laquelle il faudra revenir parce que c'est là que la relation entre la Russie et l'Ukraine se structure et, après cette période,  Poutine, en trois coups, va rétablir l'autorité de l'État et l’honorabilité de la Russie. Ces trois coups, digne d’un joueur d’échecs,  on les connaît :  

1) Se débarrasser des oligarques.

2) Création de Gazprom.

3) C'est la question de la Géorgie (règlement des deux conflits entre Géorgiens et Ossètes et Abkhazes et Géorgiens) . 

En conséquence de quoi, à la fin de la décennies 2000 la Russie va repartir sur un axe stabilisé, retrouvant un certain nombre de possibilités de se développer avec des outils (Gazprom etc.).  

Mais ça ne plaît pas du tout aux États-Unis qui ont modifié leur attitude à ce moment-là.

Dès lors, les Américains vont sortir de leur ambiguïté. A ce stade, il faut aborder quelque chose qui n'est plus le piège ukrainien, qui est le piège géo-économique.  Vous vous souvenez peut-être qu'à la fin des années 2000, c'est la période où le gaz de schiste apparaît sur le marché. C'est le moment où la fracturation hydraulique va permettre de sortir du sol américain, du gaz de schiste qu’il va falloir utiliser comme un outil de puissance.

 Les Américains vont changer d'attitude pendant toute cette période dans laquelle on parlera régulièrement de néo conservatisme qui est une affirmation de plus en plus forte de la réalité américaine, qui se résume par l’expression « l’intérêt américain d’abord ».

Plusieurs présidents américains vont l’incarner successivement, et tous vont avoir en tête que la Russie commence à être un obstacle sur leur route, non pas parce qu’elle est puissante, mais parce que la Russie ne permet pas de réunifier l'Europe comme on le voudrait, face à la Chine.

Car la Chine, dès les années 90, est une obsession américaine. Et le politologue russe, Georgui Arbatov,  déclara à cette époque dans un média américain, après la chute de l’URSS : « On vous a privé d'ennemi, vous êtes en en situation de danger ».

La situation se noue à ce moment-là et le piège ukrainien se structure. Pour bien comprendre la situation, il faut relire « Le Grand Echiquier » de Zbigniew Brezinski, un livre essentiel. En 1997, Bresinski dit, très simplement : « Si la Russie ne se modernise pas, ça va être difficile parce qu'il y a le trou noir eurasiatique qu'il faut combler, ce trou noir eurasiatique, c'est bien l'Ukraine ».  

Il va y avoir plusieurs étapes lors desquelles les Américains vont prendre conscience de la difficulté d'avoir à gérer la Russie jusqu'à l’année 2021.

Le Président Biden va précipiter le piège tendu à la Russie sur l'Ukraine, dont la mise en place va s’articuler tout au long de l'année 2021. On se souvient, le président Biden succède au président Trump, et il va organiser tout de suite des négociations sur la stabilité relationnelle avec les Russes, notamment deux séances infructueuses en 2021 qui vont peaufiner le piège qui s’enclenchera à ce moment-là.

On connaît très précisément les dates : le 12 novembre 2021, Anthony Blinken signe un pacte de partenariat stratégique avec l'Ukraine dans lequel il promet l'aide américaine jusqu'à la libération totale du territoire ukrainien.  Ça se fait très discrètement, dans le dos de tout le monde.

A la même époque, Biden rencontre Poutine à Genève pour des discussions « constructives » selon Biden, à la suite de quoi, début décembre, l’Etat-major russe avec à sa tête le général Vassili Guerassimov va aller à l’OTAN pour présenter un plan de paix entre l'OTAN et les Russes.

L’OTAN va refuser ce plan, et peu de temps après, lors de la conférence de Munich, Zelenski va annoncer : « Nous voulons rentrer dans l’OTAN ». Alors même que Poutine avait toujours dit que ce serait un « casus belli » ; Merkel l'avait également affirmé : « C’est un casus belli, ne faites pas ça »…. Et pourtant, Zelenski va affirmer haut et fort : « Non seulement, je veux que l’Ukraine entre dans l’OTAN mais, je veux aussi la bombe atomique ».

Outre cet épisode du 12 novembre, il y a aussi celui de Noël 2021 dans lequel le président Poutine va déclarer, devant son conseil réuni, à la face du monde, Et surtout à la face de son opinion publique : « Nous ne pouvons plus reculer. Le piège nous est tendu, nous devons y aller » Sous-entendu, « Quoiqu’il en coûte ». Il n’a pas employé le mot « piège » mais la tournure de phrase utilisée correspond à cette définition.

Les Russes auront tout fait pour éviter de tomber dans le traquenard qui leur était tendu. 

Entre-temps, il s’était passé beaucoup de choses :

-    En 2009 le président Poutine était venu à Bucarest au sommet de l'OTAN. Il faut relire les déclarations de Bucarest, le sommet de l'OTAN dans le Conseil OTAN-Russie dans lequel les Américains et les Russes s’entendaient sur une défense antimissile commune. Le chemin entre 2009 et 2021 est incroyable !  Incroyable de duplicité, de part et d'autre sans doute. Et pour les observateurs du Quai d’Orsay, c’est une curiosité de voir comment le président Poutine va abandonner la position de force qui est encore la sienne, le 23 février, pour se lancer dans l'aventure comme il l’a d'ailleurs nommée dès noël 2021.  Une curiosité car, selon eux, il n’y a pas de rationalité… Il faut se rappeler ce que disait le général Weygand, en 1920, quand il vient au secours de la Pologne, il décrit « l'âme russe et son désir d'ordre » de façon très intéressante. A ce titre, il se méfie de ce qu’il a nommé « le dérapage classique des tsars ». Un principe bien connu : « C'est l'unification de toutes les terres russes et le nivellement du territoire ». La « récupération » de la Crimée, simple cadeau de Khrouchtchev à l'Ukraine soviétique en 1957, participerait, selon ces « observateurs » de cet état d’esprit…

Selon ces mêmes diplomates, aujourd'hui, « le président Poutine n’est qu’un grand tsar qui applique les vieilles méthodes, avec toute la brutalité de l'époque »… Nous ajouterons, à titre personnel : « Sans oublier que devant le traquenard qui lui était tendu, il n’avait pas d’autres options »

Tout cela est la lecture factuelle des épisodes que nous connaissons de 2009, 2014, puis l'annexion de la Crimée, l'histoire de la Crimée, puis la volonté ukrainienne, soufflée par une équipe américaine très forte dans laquelle il y a des gens que nous connaissons bien : c’est la ligne Wolfowitz (penseur stratégique de la politique étrangère américaine). Une ligne très dure à l'égard de la Russie : « il faut aller jusqu'au bout ».

Certains diplomates américains se demandaient encore, pourquoi, en 1918, le Maréchal Foch vous n’était pas allé jusqu’à Berlin ? Pourquoi ? Selon eux, c’était absurde : « Quand on gagne, il faut détruire » Et là, les Américains nous disent : "Il va falloir que l’on détruise ce pays un jour parce qu'il est beaucoup trop dangereux,  c'est un pays que nous ne pouvons pas nous contenter d’enjamber en regardant la Chine directement » !

Le « pivotement » sur l’Europe,  ordonné par Obama était un pivotement qui faisait l'impasse sur la Russie,  contrairement au président Biden qui lui, s’y refuse totalement. Pour les gens qui l'entourent, notamment toute l'équipe qui tourne autour de Robert Kagan et de sa femme, Victoria Nuland, numéro 3 du département d'État, mais qui était ambassadrice à l'OTAN au moment des tensions, pour toutes ces personnes, "il faut que la capacité à faire le chemin des intérêts américains regroupe le chemin du monde entier, à n’importe quel prix".  C'est la lecture géostratégique de ce piège, mais il y a d'autres lectures. Nous venons d'évoquer un point avec justement le vieux concept de la Russie à la fois puissance maritime et puissance terrestre.

Il y a également, toute une partie idéologique dans cette affaire, et on assiste aujourd'hui, à une manipulation à partir de l'idéologie absolument impressionnante.

 Il y a une espèce de pensée unique qui est développée par les uns et par les autres, particulièrement par les Occidentaux. Une pensée unique dont il ne faut pas sortir alors que le problème est autrement plus complexe.

Ce point-là, essentiel, est lié à la stratégie gazière, mais plus largement, quelque chose de géopolitiquement important dans l’OTAN,  dans le monde occidental. Un monde qui, pour nos observateurs, n'existe plus : le monde occidental est une fiction « Car l'Europe n'est pas à l’Est de l'Ouest, l'Europe, c'est un centre,  ce n’est pas une bordure ». Dans les références géopolitiques de ce dossier, il est parfaitement clair que la question gazière est primordiale, que le gaz de schiste versus le gaz naturel russe est une complication à prendre en compte.

Par conséquent, North Stream est un défi car il relie deux puissances, dont, depuis McKinder, les Américains disent qu’il ne faut absolument pas qu’elles soient alliées : la puissance russe avec ses réserves naturelles et la puissance allemande avec son industrie.

Notez au passage que c’est la conviction de la plupart des penseurs Anglo-américains,  Mackinder est un Anglais qui travaille pour les Américains dès 1903.  En 1943, il va redire la même chose : « qu’il faut tout faire pour éviter que la puissance allemande et la puissance russe se connectent et, que c’est fondamental ».

Ce « fondamental » va se superposer à la question du gaz. Il faut avoir en tête qu’en 2015 quand il y a cette affaire des accords de Minsk, les Allemands, les Français vont faire avec les Russes et les Ukrainiens, une sorte de corrélation avec un plan de paix, un plan de fédéralisme… Mais tout cela est insupportable pour deux puissances : les Anglais d’abord, et les Américains ensuite.

Les Anglais ont été les « cornacs » des Américains pendant un certain temps sur toutes ces questions géopolitiques.

Les deux puissances extra-européennes que sont la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, vont tout faire pour inciter les Ukrainiens à ne pas appliquer ces accords de Minsk pour les raisons évoquées plus haut (éviter la connexion entre les puissances Allemandes et Russes) mais surtout pour privilégier leurs intérêts commerciaux (il leur faut vendre leur gaz de schiste à tout prix). Et pour ce faire, ils vont réussir à mobiliser toute l’Europe à travers l’OTAN, pour un objectif défavorable à l’Europe mais qui les favorise.

C’est une magnifique manipulation. C’est surtout une très belle conception tactique qui s’adresse à une Europe qui n’a pas de vision stratégique et qui ne semble pas comprendre que, sans réunifier l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, comme l’avait dit le Général de Gaulle, cela revient à empêcher la construction européenne d’arriver à ses fins. Cet objectif-là est insupportable pour les Américains depuis le début : l’Europe continentale de l’Atlantique à l’Oural deviendrait de fait un centre géopolitique, un centre qui aurait sa propre énergie et sa propre stabilité, un équilibre des forces…

Quand on regarde tout cela, on comprend que l’Europe ne peut fonctionner que s’il y a un équilibre entre ces différentes parties et, aujourd’hui pour sortir de cette impasse dans laquelle nous nous trouvons, il faudrait décider s’il est encore possible d’offrir une place à la Russie dans le concert européen.

Quand on dit cela aux Polonais, pour eux, bien sûr, la Russie dans l’Europe, c’est impensable. C’est aussi l’illustration que l’Union européenne n’est pas capable de porter un projet autonome de centralité sur lequel les diplomates européens ont beaucoup travaillé depuis vingt ans.

A ce stade, il n’y a plus de possibilités, cette voie est coupée et l’Europe n’a plus d’avenir stratégique.

Aujourd’hui, on a une Europe divisée, c'est le moins qu'on puisse dire, les pays Nord de l’Europe, avec la Pologne en particulier, ont pris une position en pointe. On a l'Allemagne qui joue un jeu très personnel. Dans beaucoup de domaines, on voit les pays du Sud qui souffrent économiquement de cette affaire. En définitive, l'Europe, est en très mauvaise posture économiquement, alors que les Américains gagnent beaucoup, en particulier avec le gaz de schiste. Ils ont remplacé le gaz du Nord par le gaz de l'Ouest à des prix exorbitants.

Et d'un autre côté, on a la Turquie qui bénéficie aujourd'hui des accords avec la Russie où elle remplace l'Europe sur le plan agricole, sur le plan alimentaire et autres, et qui est en train de gagner sur tous les plans. La Turquie, qui est le meilleur allié des États-Unis dans cette zone, applique le principe assez classique, des multi coopérations. Elle utilise sa capacité de nuisance un peu partout…

Et, pendant ce temps, il y a toute une partie de la planète qui regarde le déroulement des évènements avec beaucoup d'intérêt, parce que la pression idéologique de l'Occident sur la marche du monde est devenue quelque chose d'inacceptable pour la plupart des pays. Les BRICS, en particulier, ne veulent plus de cette pression. Ils refusent de s'allier avec l’un ou avec l’autre.                

On ne parlera pas de Chine aujourd'hui,  mais la Chine regarde ça avec beaucoup d'intérêt, veut de la stabilité, souhaite également qu'il y ait un temps de décantation de toutes les anciennes histoires impériales du monde. A ce titre,  la Russie est gênante pour la Chine qui, malgré tout, l’accueille très volontiers dans le camp de ceux qui ne veulent plus de la domination occidentale. Dans les années 1930, l’amiral Castex, l’un des très grands stratèges français qui a beaucoup travaillé sur la Russie, disait que « le balancement de la Russie entre l’Est et l’Ouest, entre sa partie asiatique un peut tatare et sa partie occidentale un peu européenne a toujours été l’une de ses constantes ».

Nous l’avons vu, après la rencontre de Bucarest, le président Poutine a pu s’entendre avec les Français et les Allemands avant d’être désavoué, parce que les Anglais et les Américains l’ont voulu ainsi. Et, il va se retourner vers l’extérieur, vers la Chine. Les Chinois sont très attentifs à la Russie, cet immense pays dont une partie est quand même une extension tardive vers des horizons très asiatiques.

Aujourd’hui, pour sortir de cette impasse, il faut que l’Ukraine, dont la nationalité vient d’éclore, car elle est toute nouvelle, l’Ukraine qui n’a jamais réellement existé comme une nation mais,  qui depuis le début du conflit, apparaît comme une nation affirmée qui a son droit à la liberté, à l’autonomie et à son positionnement. Mais, l’Ukraine doit aussi respecter le droit des populations. Les Ukrainiens de l’Ouest doivent respecter le droit à l’autodétermination des Ukrainiens de l’Est. Par conséquent, les frontières juridiques de l’Ukraine aujourd’hui, sont un obstacle sur lequel il va falloir trancher.

Il va bien falloir évoquer de l’obstination du président Zelenski, appuyé par les néoconservateurs américains, à reconquérir la totalité du territoire, en particulier les régions russophones. Cela est impossible, c'est évident.

On constate,  d'ailleurs, que les changements dans l'appareil militaire russe annoncés ces derniers jours,  sont l’expression d’une ligne qu’on a fortifiée, qu’on va tenir, et de laquelle on ne va plus bouger. Ils sont en train de faire sauter le verrou pour aller vers Kramatorsk. En réalité, ils sont en train de sécuriser leur zone, ils ne font que réaligner leurs forces sur les régions de l'Est.

Par ailleurs, l'un des problèmes que nous rencontrons, idéologiquement, c'est l'obstination de cette guerre de l'information que nous connaissons. Il y a plusieurs champs : géostratégique, géoéconomique, idéologique.

Cette guerre de l'information s'adresse principalement à des opinions publiques qui sont ciblées pour pouvoir porter un message.

Quand on fait supporter à la Russie le message de vouloir conquérir toute l'Ukraine, C’est faux. Il n’en a jamais été question. Et il faudra le temps qu'il faudra à la sagesse des hommes, et à leurs calculs pour prendre en considération cette réalité que la Russie n'est pas,  l'ouest de l'Asie, que l'Ukraine n'est pas l'est de l'avancée de l'Europe.

C'est cela l'histoire européenne, ce sont des points d'équilibre et des points de force.

En ce qui concerne la guerre de l’information, on voit les grandes puissances, en particulier les Américains, les Ukrainiens, les Russes, utiliser l'information pour faire passer un concept, et des idées même si elles sont totalement fausses. Le plus fascinant quand même, c’est la manière dont les médias, en Europe surtout, reprennent, sans les vérifier, quantité d’informations qui sont fausses. Comment tous ces médias font, en toute conscience, de la propagande. Cette guerre de l’information est quelque chose de nouveau qui doit nous interroger, nous faire réfléchir, ne pas foncer tête baissée pour relayer de fausses informations.

Pendant ce temps, aux Etats-Unis, il y a des gens qui œuvrent pour trouver un compromis : Jack Sullivan (USA) et Nicolaï Patrouchev (Russie) font tout pour cela, de manière à rester en-deçà du seuil nucléaire. Il y a aussi, aux Etats-Unis, des gens qui veulent reprendre « la mondialisation marchande heureuse », qui ne veulent pas arrêter les flux parce que ça coûte très cher… Enfin, l’opinion publique américaine ne s'intéresse absolument pas à l'Ukraine, n’a aucune solidarité avec ce pays. Les diverses opinions publiques américaines ne vont pas tarder à exiger qu’on en finisse avec ce conflit, qu’on en revienne aux choses sérieuses : les réalités socio-économiques américaines. Il ne faut pas oublier que le pays est extrêmement divisé, qu’il a perdu son point d’équilibre politique, social, historique.

Les Américains butent encore en permanence sur les 600 000 morts de la guerre de Sécession, dans la balance, pour arriver à trouver un point d’accord entre le Nord et le Sud. La Russie et l’Ukraine, c’est un peu la même chose.

Il va peut-être se passer quelque chose aux Etats-Unis où ils ont enfin élu le président de la Chambre des Représentants américaine qui est un républicain. Son élection a été très difficile : quand on considère ce qui a été discuté, les points d'accord entre eux pour arriver à le faire élire : le moins qu'on puisse dire, c'est qu’ils veulent freiner la guerre en Ukraine, ils veulent négocier…

Il est intéressant de voir que le pouvoir aux États-Unis, qui est flottant entre différents acteurs,  est toujours négocié de la Chambre des Représentants, au Département d’Etat  au Pentagone, ce pouvoir a beaucoup de régulateurs rationnels.

Le débat entre le chef d'État-major Interarmées américain et le secrétaire d'État est très intéressant à observer car, il y a là plusieurs visions, plusieurs regards, plusieurs stratégies américaines qui sont en compétition et finalement, le point d'accord ne se fera pas sur la conduite, à la dernière extrémité, de la récupération de la Crimée.  Et ça, si les Ukrainiens ne le savent pas et il faut leur dire.

Il est important de bien regarder cette réalité politique américaine. Quand on voit effectivement la position de Blinken, le patron des Affaires étrangères qui est un néoconservateur revendiqué qui veut vraiment tout casser,  et celle de Miley, le chef d'état-major des armées qui dit : « Mais attendez, vu la situation militaire, il est évident qu'il faut négocier ». Il est finalement rassurant de voir dans un pays comme les États-Unis, cette opposition très forte, au plus haut niveau de l'État

Le combat entre l'Ukraine et la Russie un combat fratricide. C'est une guerre interne avant d'être une guerre externe. C’est une guerre de sécession soutenue de l'extérieur pour de mauvaises raisons. Mais au fond les Ukrainiens forment initialement une même société qui est un peu plus occidentalisée à l'Ouest pour les Ukrainiens. ET asiatique à l'Est. Moscou s’est débarrassé des Tatars, mais reste quand même tourné un peu vers l'Est et donc il y a quand même une communauté d’intérêts :  les oligarques des deux pays se connaissent parfaitement, ils ont les mêmes outils. Il y a eu en 1997 un arrangement entre les Russes et les Ukrainiens. N’oublions pas que Sébastopol a été louée par les Ukrainiens à la Russie avec un bail de 20 ans qui a été porté à 42 ans. Et ce n’est qu’au moment où ce bail a été dénoncé que les relations ont changé.

 La négociation entre Gorbatchev et les Occidentaux avec l'effondrement de la Russie, a quand même abouti à ce que les Russes perdent près de 50% de leur pouvoir d'achat brutalement en quelques mois. Donc imaginez, en France, si vous perdiez 50% de votre pouvoir d'achat dans les semaines à venir ? Cela a été épouvantable et reste gravé dans la mémoire collective russe parce qu'ils n’ont pas oublié que l'arrivée du capitalisme en définitive, s’est traduit par un effondrement du niveau de vie de tout le monde. Ils ont vécu une période effrayante et ça, ils ne l'ont pas oublié.

La population a retrouvé un niveau de vie correct, selon les secteurs, à partir de 2007 et il leur a fallu attendre 2010 pour retrouver des conditions de vie améliorées. C’est la grande réussite d'ailleurs du président Poutine. On parle du pouvoir absolu de Poutine mais derrière, il y a aussi le mythe, il y a  des scientifiques de grande valeur, la Russie, c'est une énorme machinerie, bureaucratie administrative très puissante et qui a permis à son président de  remettre sur les rails tout le pays.

C'est pour cela que dans toute cette affaire, tout est très compliqué. Il est important d’avoir un point de vue qui permet de dégager des lignes de force qui ne sont pas celles du « Day to Day business », comme disent les Américains, mais au contraire d'essayer de comprendre les fondamentaux parce que c'est avec ces fondamentaux qu’on va arriver à trouver les formules pour la paix. C'est ce que nous souhaitons tous. »

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