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Réforme des retraites : les illusionnistes.
Par Thierry BENNE
Docteur en droit INTEC - Diplômé d’Expertise-comptable
Ils ont tous, ou presque, livré aux médias et au Parlement des chiffres qui donnent le tournis. Le 10 janvier et donc au tout début de cette année, la Première ministre avait lancé les débats, en faisant du seuil mensuel de € 1 200 pour les retraités ayant accompli une carrière pleine au Smic, l’une des mesures-phares de la réforme des retraites. Sauf que cela ne s’est pas passé comme annoncé.
Le porte-parole du Gouvernement décidait de réduire prudemment à 40 000 le nombre total des bénéficiaires qui atteindront une retraite de € 1 200.
À entendre Mme Borne, et plusieurs de ses ministres (dont, dès le lendemain, M. Attal), la mesure devait concerner pas moins de 200 000 nouveaux retraités chaque année, puis être étendue à 2 000 000 de retraités actuels (excusez du peu !). Avant que, honteuse comme un renard qu’une poule aurait pris, la majorité macronienne n’en vienne à rétropédaler dare-dare en réduisant d’abord la jauge à 40 000 nouveaux retraités, sous la pression continue des oppositions.
Quelques recherches plus loin, le ministre Dussopt finira pourtant par admettre qu’au total il ne s’en trouverait guère plus de 10 à 20 000, tandis que le porte-parole du Gouvernement décidait de réduire prudemment à 40 000 le nombre total de bénéficiaires qui atteindront une retraite à € 1 200 dont 10 à 20 000 du fait de la réforme.
On notera d’ailleurs, qu’en dépit de la faiblesse de ce dernier chiffre, l’amplitude de la fourchette ultime laisse quand même perplexe sur le degré d’approximation qui prévaut dans les comptes de la Sécurité sociale, dont on ne cesse pourtant de nous répéter qu’ils sont tenus à l’euro près.
En réalité, c’est sous la contrainte que le ministre Dussopt s’est rangé à l’estimation du député Jérôme Guedj, qui avait de par ses fonctions un accès direct aux comptes sociaux, ce qui lui avait permis d’affiner ses investigations pour parvenir le 28 février à un chiffre de seulement quelque 13 300 nouveaux retraités bénéficiaires...
Par ailleurs le pouvoir et ses affidés n’ont cessé de nous faire croire que, désormais, les coupes sombres, la CSG discriminatoire, les désindexations sauvages, tout cela est bien fini et qu’il n’est plus du tout question d’exiger de nouveaux sacrifices de la part des retraités, qui ont été déjà largement mis à contribution ces dernières années.
Ce qui a eu l’effet immédiat de provoquer l’indignation d’une foule d’actifs perclus de rancœur vis-à-vis des retraités, ces "nantis", ces "parasites", dont ils n’ont toujours pas compris qu’il s’agissait de leurs parents et grands-parents.
Et, au lieu de se souvenir que c’étaient bien eux, les actifs, qui avaient profité de l’effort exigé sur la CSG des retraités, ces ingrats n’ont cessé de clamer haut et fort qu’il fallait une nouvelle fois faire rendre gorge aux retraités, en ressassant sans fin le slogan bien connu : « les retraités peuvent payer ».
Ces nuls en maths (et d’ailleurs en bien d’autres choses…) ne se sont tout simplement pas aperçus que, pour les retraités, l’année 2022 se clôt une nouvelle fois par une désindexation. Et même une désindexation particulièrement sévère de 2,20% (soit la perte définitive de pas moins de 8 jours de pension par an) puisque, en moyenne annuelle pondérée, leurs pensions de base n’auront été revalorisées que de 3,10%, face à une inflation « officielle » de 5,30% au titre de 2022 (elle vient d’ailleurs comme d’habitude de prendre un point supplémentaire sur les deux premiers mois de l’année suivante en cours…).
Ces annonces constamment malhonnêtes et aggravées par la passivité des médias, tout comme ce comportement politique irresponsable, ont toutefois maintenant le mérite d’alerter suffisamment ceux qui ont conservé l’habitude de réfléchir sur le risque que la guerre des générations ne soit plus très loin. Il suffit que, comme il sait si bien le faire pour diviser les Français, le pouvoir s’appuyant sur nombre d’experts auto-proclamés et de journalistes passablement ignorants, souffle encore un peu plus sur les braises, pour que cet affrontement ravageur éclate ouvertement, au grand dam de la Nation tout entière.
En réalité, il s’agit tout simplement pour le citoyen d’un réflexe de survie et de bon sens
Ces errements récurrents montrent suffisamment en tout cas qu’on ne sait toujours pas, dans ce Gouvernement, ce qu’est une vraie étude d’impact, celle-là même qui avait déjà cruellement fait défaut lors de la présentation de la première tentative de réforme, alors que sa préparation appliquée et sérieuse permet précisément de vérifier et de renforcer la cohérence des projets, dès avant qu’ils ne soient finalisés et publiés.
Mais, même si de telles pratiques sont déplorables, là pourtant ne réside pas l’essentiel de nos griefs vis-à-vis des déclarations dolosives et contradictoires du Gouvernement sur le fameux seuil mensuel de € 1 200. En effet, que l’on considère l’effectif des bénéficiaires ou que l’on s’attache aux sommes en cause, on patauge dans le dérisoire :
- 13 300 retraités sur un effectif total de 18 millions (réversion comprise), cela représente nettement moins de 1 pour 1000 de la cohorte concernée ;
- et si l’on rapporte les surplus de quelques centaines d’euros mensuels alloués à quelque nouveaux 13300 retraités, aux 340 milliards d’euros de l’ensemble des pensions versées chaque année à 18 millions de retraités (réversion comprise), on tombe sur des chiffres qui demeurent toujours très inférieurs à 1 pour 1000 des sommes en cause ;
- et on ne parle pas des retraités actuels pour lesquels la valse des chiffres est encore plus sidérante.
C’est ainsi que, pour faire passer une réforme qui entraînera par ailleurs chaque année et pour l’immense majorité de la cohorte annuelle des 700 ou 800 milliers de futurs retraités, la perte de deux années de pension (soit, selon la moyenne annuelle 2022, quelque € 18 000 x 2 = € 36 000 en brut par retraité concerné !), le pouvoir n’a pas craint de lui opposer la somme :
– des gains de quelques centaines d’euros par an et sous condition de carrière pleine que réaliseraient seulement une poignée de 13 300 retraités ;
– et les gains généralement moindres et davantage incertains encore d’au plus 26 700 (= 40 000 – 13 300) retraités actuels.
Manifestement, et malgré la force de son poids symbolique, la très maigre avancée brandie n’est pas à la hauteur des enjeux. Mais on voit bien pourquoi le pouvoir a essayé de l’enfler déraisonnablement pour tenter d’opposer un contre-feu au grief d’injustice très légitimement associé à cette réforme, qui préserve dans les années à venir les privilèges indus des régimes publics les plus avantageux et les plus coûteux.
Mais des plus de 2 200 000 bénéficiaires (200 000 nouveaux retraités + 2 000 000 retraités actuels) originellement annoncés à l’étroite cohorte des quelque 40 000 heureux élus (13 300 nouveaux retraités + 26 700 retraités actuels), on ne pensait quand même pas qu’avec une brillante polytechnicienne à Matignon, il était possible de se tromper dans de telles proportions !
Car il ne s’agit pas seulement d’une question de chiffres ou de montants.
Ces « erreurs » remettent en cause de manière très crue la confiance que le Parlement, les médias et le citoyen peuvent accorder aux annonces qui leur sont faites par le gouvernement. Ce dernier oublie que, malgré les efforts méritoires de l’Éducation nationale pour brouiller les repères des nouvelles générations (cf. classements Pisa), il reste un certain nombre de Français qui :
– maîtrisent encore l’usage de la règle de trois, particulièrement efficace pour débusquer les multiples dérives de l’information et de la communication ;
– s’attachent toujours à rechercher les ordres de grandeurs dans les données qu’on leur baille.
On en est ainsi rendu à ce point que la seule démarche qui vaille vis-à-vis des annonces gouvernementales consiste à engager à leur égard une démarche de suspicion légitime en les considérant a priori comme fausses et à rechercher où et comment la mystification se niche et se propage quitte, en cas d’échec des investigations diligentées, à accorder par défaut aux chiffres en cause un crédit en sursis, vis-à-vis duquel il sera prudent toutefois d’afficher une constante vigilance.
En réalité, il s’agit tout simplement pour le citoyen d’un réflexe de survie et de bon sens que les trop fréquentes dérives de la communication officielle l’ont peu à peu et presque malgré lui incité à acquérir : plus les tam-tams présidentiels ou gouvernementaux battent la campagne, plus il faut s’en méfier...
« Des insectes dans votre assiette : vraie solution ou fausse bonne idée ?Association Le Rassemblement Vendéen - Présentation »
Tags : réforme des retraites, illusion, perte pouvoir d'achat, appauvrissement
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